Paris, le 18/04/2025
La SFCP-CH souhaite réagir
- à l’article intitulé « Les implants de hernie sous surveillance rapprochée », publié par le journal Le Monde le 25 mars 2025
- et à l’article intitulé « Alerte sur les prothèses de hernie : vers un nouveau scandale de santé publique », publié par le journal Le Parisien le 13 avril 2025.
Chaque année en France, plus de 250 000 patients sont opérés de la paroi abdominale, le plus souvent d’une hernie de l’aine (inguinale ou fémorale), intervention chirurgicale la plus fréquemment pratiquée par un chirurgien viscéral dans sa carrière. La hernie de l’aine est une pathologie qui altère la qualité de vie, du fait de la gêne fonctionnelle occasionnée, des douleurs et parfois de complications aigues tel que l’étranglement de la hernie. Le traitement idéal, actuellement recommandé par les sociétés savantes internationales telle que l’European Hernia Society, est la cure chirurgicale avec mise en place d’une prothèse de renfort pariétal. L’intérêt de l’utilisation de ce dispositif médical implantable est la réduction du risque de récidive de la hernie et la réalisation d’une réparation sans tension, par rapport à une réparation par simple suture (moins de 5% des patients opérés en France), qui impose au chirurgien de rapprocher par traction les muscles autour de l’orifice de la hernie.
Un médicament efficace peut avoir des effets secondaires indésirables. De la même façon, comme pour toute intervention chirurgicale, la cure de hernie est associée à des complications postopératoires. Certaines sont rares telle que l’infection du site opératoire. D’autres complications sont plus courantes, telles que les douleurs inguinales postopératoires. Ces douleurs sont inhérentes à la dissection chirurgicale nécessaire pour réduire la hernie, au traumatisme potentiel de structures anatomiques fragiles tels que le péritoine et les fibres nerveuses qui cheminent localement et, plus rarement, à la présence du matériel chirurgical (fils de suture, prothèse). Elles surviennent chez 5 à 10% des patients et sont invalidantes dans 1 à 5% des cas. On en connait les facteurs de risque de survenue tels que l’épuisement professionnel, l’anxiété et la dépression, l’existence de douleurs chroniques préalables sur un autre organe du corps ou de douleurs inguinales intenses associées au préalable à la hernie. Dans la majorité des études publiées, la mise en place d’une prothèse n’augmente pas le risque de douleurs chroniques par rapport à la réparation par suture (appelée raphie simple), attestant que le risque de douleur est principalement lié à la dissection chirurgicale elle-même. Les douleurs chroniques existaient déjà avant l’utilisation des prothèses. Ces risques étant connus, la meilleure prévention de la survenue et de la chronicisation des douleurs repose sur l’information médicale donnée par le chirurgien pendant la consultation, conformément aux dispositions de la loi du 04 mars 2002. Le risque peut également être réduit par certaines mesures techniques telle que la chirurgie mini-invasive (cœlioscopie).
Les prothèses utilisées pour la réparation des hernies sont habituellement composées de polymères non résorbables tricotés tels que le polyester ou le polypropylène. Leur autorisation de mise sur le marché est indispensable à leur emploi par les structures hospitalières (hors recherche clinique). Leur tolérance et leur efficacité ont été prouvées par des études publiées et leur fabrication répond aux normes en vigueur. Le choix de leur composition et donc de leurs caractéristiques physiques (poids, densité) est laissé libre au chirurgien, en fonction des caractéristiques de la hernie et du patient. Ces dispositifs sont voués à s’intégrer dans les tissus et à être portés par le patient sans limite de durée. Si des douleurs chroniques postopératoires peuvent survenir, il n’y a, à ce jour, aucune démonstration de l’existence d’un syndrome d’intolérance au matériau prothétique impliquant le système immunitaire dans la littérature médicale. Certes, des cas de syndrome associant de manière très diverses des symptômes non spécifiques (tels que fatigue, douleurs diffuses, syndrome inflammatoire) et des anomalies biologiques inconstantes ont été rapportés chez quelques patients, surtout aux Etats-Unis où la judiciarisation de la chirurgie est un phénomène galopant. Faute d’explication possible, la seule cible restante susceptible d’expliquer les maux de patients désespérés par leur mauvaise santé était la prothèse pariétale. A ce titre, dans la majorité des cas, l’ablation du matériel prothétique, très délabrante par ailleurs, ne permettait le plus souvent pas la guérison. En France, les experts de la chirurgie des hernies se réunissent tous les mois pour discuter avec leurs confères des cas difficiles : aucun cas de syndrome dysimmunitaire (type syndrome ASIA) n’y a été recensé.
Actuellement, l’intérêt de l’utilisation des renforts de paroi est démontré par de très nombreuses études bien menées sur d’importantes populations et leur utilisation est recommandée par les instances chirurgicales. Les pratiques en médecine et chirurgie sont basées sur les preuves scientifiques et les modifications de pratique doivent reposer sur des essais cliniques non biaisés. Les « cas rapportés », tels que celui cité dans l’article du Monde, incarnent le degré zéro de la pertinence méthodologique et sont souvent publiés dans des revues dites prédatrices, qui brillent par leurs intérêts pécuniaires (puisqu’il faut habituellement payer pour publier), sans être très regardantes sur la rigueur scientifique des auteurs et le plus souvent sans relecture par les pairs. Bien qu’une évaluation constante de l’impact des soins soit indispensable, il est difficile de modifier des pratiques validées scientifiquement, sur la seule base d’observations éparses non encore éclaircies. Malheureusement, les données médicales issues de ces journaux sont relayées sur les réseaux sociaux dont on connait le potentiel destructeur, surtout quand les groupes ne bénéficient pas de médiation par des experts.
La médecine impose aujourd’hui une part de gestion du risque dans l’objectif de proposer au patient le meilleur soin avec un impact sociétal moindre. La vaccination en est une illustration récente. Malgré la survenue de complications individuelles, le bénéfice pour la société est le plus souvent majeur. Pour la chirurgie herniaire, les études confirment l’importance de l’utilisation d’une prothèse, aussi bien à l’échelle individuelle que collective, avec un coût moindre. L’accès aux solutions thérapeutiques idéales permettant de traiter les hernies de l’aine est impératif du fait de la fréquence de cette pathologie dans la population générale et des conséquences potentiellement dangereuses du report ou du refus de l’intervention chirurgicale. Le suivi très attentif des effets indésirables possiblement associés à cette chirurgie est permanent, via les registres de données de santé (tel que celui du Club Hernie et de la FCVD), en collaboration étroite avec l’Agence Nationale de sécurité du médicament.
David MOSZKOWICZ, Professeur de chirurgie, secrétaire de la SFCP-CH
Guillaume PASSOT, Professeur de chirurgie, président de la SFCP-CH
Jean-François GILLION, chirurgien, président du Club Hernie
Muriel MATHONNET, Professeur de chirurgie, présidente du CNP-CVD
Hubert JOHANET, chirurgien, vice-président du CNP-CVD, membre de l’Académie nationale de chirurgie
David FUKS, Professeur de chirurgie, président de l’AFC
Stéphane BERDAH, Professeur de chirurgie, président de la SFCD
Jérémie LEFEVRE, Professeur de chirurgie, secrétaire de la SFCD




